"Je ne croyais pas
que l’initiative Tweets 2 Rue allait être prise au sérieux. Je ne pensais pas
que, pour une fois, on allait pouvoir passer le message sur les SDF de cette
façon. On a beaucoup essayé des années en arrière, par rapport aux journaux,
mais ça n’a pas eu le même impact.
C’est vrai que des
fois je reçois de petits messages le soir comme un « bonne nuit » ou « on
pense à vous ». Ça fait bizarre. Je
suis sensible à ces attentions. Ça me rassure, et ça me fait plaisirs. J’ai
envie de les prendre comme des cadeaux.
Je trouve ça assez
poignant. J’aimerai bien papoter plus avec des gens mais je dois avouer que je
ne me suis pas encore bien approprié le téléphone.
Pour moi 140
caractères c’est pas assez ! (sourires) Après c’est vrai que c’est pas
fait pour écrire des romans. Moi ça me ferait écrire toute la journée si je
devais raconter tout ce que je veux raconter. Là faut être bref, alors que moi
je mettrais des pages…
Et puis le tweet, c’est
comme un texto, il n’y a pas forcément la bonne ponctuation quand il faut, il
n’y a pas l’intonation de la voix. Du coup on peut percevoir le message différemment.
Pour ma part, le
virtuel ne remplace pas le contact qui peut créer d’autres liens, autres que
les seuls encouragements. On peut avoir les encouragement de quelqu’un qui est
à 800 km, ce qui est très bien. Mais si cette personne nous encourage à
distance elle serait peut être prête à aider ou à échanger plus que ça.
J’aimerai bien qu’à
travers mes tweets des personnes puissent s’ouvrir et dépasser les barrières
qu’elles se mettent dans la tête par rapport à la perception de certaines
choses. Qu’elles sortent de leurs enclos. Il s’agit d’essayer de leur montrer que
le SDF c’est quelqu’un de… je sais pas, que c’est un humain ! Malgré tout.
J’ai un logement
depuis 3 semaines que je vais garder tout l’hiver. Du coup je me sens moins
légitime par rapport à Tweets 2 Rue. Parce que je ne suis plus dehors. Le soir,
je rentre, j’ai la lumière, j’ai de quoi me poser, me faire à manger, écouter
de la musique… C’est vrai que ça change beaucoup parce qu’à l’origine quand tu
es SDF tu n’as rien ! Tu dors dans un local à poubelle, dans un abri de bus. La
seule lumière que tu peux avoir c’est celle du lampadaire. Ça me gène un petit
peu.
J’ai très mal dormi
la première nuit que j’ai passé dans ma chambre. En fait, je n’ai pas réussi à
dormir les deux premières nuits. Ça m’a fait bizarre de me retrouver entre 4
murs. J’ai tellement eu l’habitude de dormir dehors dans des endroits où je
n’étais pas en sécurité mais où j’ai fini par me sentir en sécurité. Parce
qu’au final on finit à se faire à l’idée de plein de choses.
Et là paradoxalement
je ne me sentais pas en sécurité. Pourtant j’ai une porte qui ferme à clé. J’ai
besoin de ce contact avec l’extérieur. (D’ailleurs quelques jours plus tard
Sébastien est allé dormir une nuit dehors, cf son tweet du 16 novembre « J’ai
comme envie ce soir de renouer avec ma mère, je crois que cette nuit dame
nature veut que je dorme avec elle », ndlr)
J’ai passé 10 ans à
la rue donc j’ai connu et ressentis pas mal de saisons, étés comme hivers. Quand
on est toujours dehors avec ces cycles ça fait bizarre qu’il y ait une coupure
avec un intérieur. Bon il y a des trucs que j’apprécie. Quand je suis dehors
que je suis fatigué, ou que je ne suis pas bien, je sais qu’il y a un endroit
où je peux aller me poser.
Je repense parfois aux
autres à la rue, aux personnes que j’ai côtoyées. Où ils sont ? Qu’est ce
qu’ils font ? Est qu’ils ont quelque chose pour dormir ?
Comment ça s’est passé ?
Si ça avait été
quelques années en arrière j’aurais dit que j’ai eu de la chance. Là je me dis
que j’ai une opportunité que j’ai su saisir. J’ai peut être fait ce qu’il fallait
au bon moment.
J’ai connu beaucoup
de détresse. Il y a des moments où on a envie de s’en sortir et on essaie de
chercher les mains qui peuvent se tendre. Mais au moment où on en a besoin, parfois
ce sont elles qui ne sont pas là. Du
coup on perd tout espoir et on se dit que ce n’est pas possible d’être
récupéré. Alors on se laisse aller un peu plus, on ne croit plus en rien et on
n’a plus envie de tout.
Moi ça m’est arrivé
plusieurs fois. Un jour j’avais fait les papiers pour un logement. Tout était
bon, mais je n’y suis pas allé. Parce que je me disais : « c’est pas
possible, je ne peux pas ». Je ne me sentais pas prêt à assumer le choix
d’être à nouveau dans un appartement, d’avoir une autonomie. Pourtant la main
était tendue de leur côté. Et c’est moi qui n’étais pas prêt.
Par contre, il y a
une fois où je n’en pouvais plus, je voulais m’en sortir. Parce que j’étais en
train de plonger complet avec la drogue. J’ai appelé mes parents pour leur
demander s’ils pouvaient m’aider, ils n’étaient pas prêts, ils n’ont pas pu. Du
coup c’est moi qui ai lâché l’affaire.
Maintenant je me dis
qu’il faut savoir prendre toute opportunité et rebondir quand il faut. Se dire
qu’il y a eu des échecs, et des échecs il y en a tout le temps dans la vie, le
plus important ça n’est pas de tomber, mais de se relever. C’est ne pas se relever
qui est un échec.
Avec le recul je me
dis que je reviens de loin. J’ai vécu pas mal de choses. Il y en a qui auraient
mis le pied dans le vide et seraient tombés. Moi j’ai marché souvent sur le
fil. Là maintenant le fil est devenu une corde et voilà je vais un peu mieux !
Je ne pense pas que
Tweets 2 Rue m’ait particulièrement aidé parce que j’étais déjà dans un
processus dans ma tête. En même temps ça n’est que le début. Il est encore trop
tôt pour voir l’impact. Je pense que ça peut apporter des évolutions et ouvrir
des portes.
Je twitte suivant
mon humeur. Je n’ai pas tweeté pendant un certain temps parce qu’il y aurait
surement eu beaucoup de déprime. Tout le monde a ses hauts et ses bas. Je
n’avais pas envie de partager ce petit passage à vide. Vu que je n’étais pas
très bien je ne voulais pas que les gens ne voient que ce côté là de moi.
Là ça va mieux. Il y
a plein de projets autour de moi. Tout repart en floraison. C’est nouveau pour
moi d’arriver à me projeter. Avant j’avais certains projets mais sans
conviction. J’avais des avenirs sans lendemain. Grâce à mon ex (petite amie)
j’ai réussi à reprendre le dessus sur la vie et à être complètement différent.
Et ça j’aimerai
qu’elle l’entende. J’aimerai qu’elle comprenne que, mine de rien, c’est grâce à
elle, même si ça ne c’est pas bien fini. Aujourd’hui j’ai une petite chambre,
je ne suis plus dehors. J’essaie de repartir comme il faut. Je tiens par
rapport à l’héroïne. J’ai tenu pendant 4 ans en grande partie grâce à elle. Même
si elle n’est plus là elle compte toujours pour moi et l’amour est toujours là,
donc je ne replongerai pas. Pour tout ça je la remercie vraiment du fond du
coeur."
Sébastien @DjamaikaPtiseb
Le présent bilan, validé par Sébastien avant publication, est toutefois susceptible de connaître quelques modifications après une relecture papier de sa part.
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