Manu @115toimeme a perdu sa mère la semaine dernière. Trop
affecté pour continuer à twitter, il a souhaité que nous l’aidions à témoigner
de sa douleur. Il a tenu à nous livrer ces mots qu’il n’arrivait pas, lui, à
écrire. Un entretien très poignant. Tête plongée dans ses mains, il se demande
s’il est toujours humain car il reste incapable de verser la moindre larme
alors qu’il est rongé par la peine.
« J’aimerais pleurer mais je n’y arrive pas. Je n’ai
plus de larmes, elles ne coulent plus.
Pourtant Dieu sait que je souffre au fond de moi. Pleurer libère, moi je
ne peux rien évacuer. Je me demande si je suis humain. Mon cœur est tellement
endurci. Je ne transmets aucune émotion à l’extérieur alors que ça m’aiderait
de le faire. J’ai l’impression que tout brûle à l’intérieur. J’essaie d’être
fort mais ça n’est pas facile.
J’ai perdu les 3 femmes que j’aimais dans ma vie : ma
compagne et ma fille pendant la guerre et maintenant ma mère. Ça fait
trop ! J’aurais aimé mourir au combat que de vivre ça. Cette souffrance au
quotidien, sans famille, sans rien. Ça n’a plus de sens. Dans la vie on se bât
normalement pour mettre sa mère, sa femme et ses enfants à l’abri. Je n’ai plus
rien de tout ça. Là je suis vide, je ne pense à rien, je ne crois plus en rien.
Je dors très peu, je n’ai rien pu avaler depuis hier (dimanche, ndlr).
Je suis traversé par plein de sentiments, comme la tristesse
et la douleur mais le plus fort reste la colère. Là je m’isole pour mettre les
autres à l’abris de moi. Un ami a un sac de frappe chez lui, alors je boxe, c’est
la seule chose que j’ai trouvée pour évacuer un peu (Manu a longtemps pratiqué
les sports de combat, ndlr)
Ce qui me fait le plus mal est que je ne sois pas là, à côté
du reste de ma famille pour les soutenir dans la peine. Je suis l’aîné des
garçons, donc l’homme de la famille après mon père. J’ai des devoirs. J’ai
l’impression d’avoir trahi les miens et ma mère. On s’était promis de tenir
mutuellement le coup jusqu’à mon retour, mais je ne la reverrais plus. La
dernière fois que je l’ai vu c’était juste avant mon départ précipité.
Quelques amis m’ont dépanné un peu d’argent pour recharger
mon téléphone (avec des cartes prépayées) pour que je gère certaines choses à
distance, mais c’est pas forcément évident et puis je ne peux assumer aucune
charge financière quant aux obsèques qui sont très lourdes dans mon pays. Je
devrais être là pour gérer
l’enterrement. Là c’est mon petit frère qui doit tout gérer et ça me
fait mal pour lui. J’ai le devoir de
remonter le moral à tout le monde, alors je me dois de rester fort.
C’est dur mais ça va aller, même si ça va mettre un peu de
temps. Passé le deuil j’aviserai. Juste à dire que mon silence en ligne n’est
pas un oubli. Merci à tous les messages de soutien et d’encouragement, je les
lis mais si je ne réponds pas c’est parce que je n’en ai pas la force."
Manu
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